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et des couches d’une très grande étendue sur le fond de la mer ancienne[NdÉ 1] ; et ce sont ces mêmes couches de matière végétale que nous retrouvons aujourd’hui à d’assez grandes profondeurs dans les argiles, les schistes, les grès et autres matières de seconde formation qui ont été également transportées et déposées par les eaux ; la formation de ces veines de charbon est donc bien postérieure à celle des matières primitives, puisqu’on ne les trouve qu’avec leurs détriments et dans les couches déposées par les eaux, et que jamais on n’a vu une seule veine de ce charbon dans les masses primitives de quartz ou de granit.

Comme la masse entière des veines ou couches de charbon a été roulée, transportée et déposée par les eaux en même temps et de la même manière que toutes les autres matières calcaires ou vitreuses réduites en poudre, la substance du charbon se trouve presque toujours mélangée de matières hétérogènes, et, selon qu’elle est plus pure, elle devient plus utile et plus propre à la préparation qu’elle doit subir pour pouvoir remplacer comme combustible tous les usages du bois : il y a de ces charbons qui sont si mêlés de poudre de pierre calcaire[1], qu’on ne peut en faire que de la chaux, soit qu’on les brûle en grandes ou en petites masses ; il y en a d’autres qui contiennent une si grande quantité de grès que leur résidu après la combustion n’est qu’une espèce de sable vitreux ; plusieurs autres sont mélangés de matière pyriteuse ; mais tous, sans exception, tirent leur origine des matières végétales et animales, dont les huiles et les graisses se sont converties en bitume[2].

  1. À Alais et dans plusieurs autres endroits du Languedoc, on fait de la chaux avec le charbon même, sans autre pierre ni matières calcaires que celles qu’il contient, et aussi sans autre substance combustible que son propre bitume, qui, après s’être consumé, laisse à nu la base calcaire que le charbon contenait en grande quantité.
  2. M. de Gensane distingue cinq espèces de charbon de terre, qui sont : 1o la houille ; 2o le charbon de terre cubique qu’on appelle aussi carré ; 3o le charbon à facette ou ardoisé ; 4o le charbon jayet ; 5o le bois fossile. (Je dois observer que M. de Gensane est le seul des minéralogistes qui ait présenté cette division des charbons de terre, dans laquelle le bois fossile ne doit pas être compris tant qu’il n’est pas bitumineux.)

    La houille est une terre noire bitumineuse et combustible ; elle se trouve toujours fort près de la surface de la terre et voisine des véritables veines de charbon… Le charbon de terre cubique a ses parties constituantes disposées par cubes, arrangés les uns contre les autres, de sorte qu’en les pilant même très menu, ces mêmes parties conservent toujours une configuration cubique : il est fort luisant à la vue ; il s’en trouve qui représentent les plus belles couleurs de l’iris, qui ne sont que l’effet d’une légère efflorescence de soufre… Le charbon à facettes ou ardoisé ne diffère du charbon cubique que par la configuration de ses parties constituantes, et qu’en ce qu’il est plus sujet que le précédent à renfermer des grains de pyrites qui détériorent sa qualité : on distingue, à la vue simple, qu’il est composé de petites lames entassées les unes sur les autres, dont l’ensemble forme de petits corps irréguliers, rangés les uns à côté des autres… Le charbon jayet est une substance bitumineuse plus ou moins compacte, lisse et fort luisante ; il est plus pesant que les charbons précédents ; sa dureté est fort variable : il y en a qui est si dur, qu’il prend un assez beau poli, et qu’on le taille comme les pierres ; on en fait dans bien des endroits des boutons d’habits, des colliers et d’autres menus ouvrages de cette espèce. Il y en a d’autre qui est si mou qu’on le pelote dans la main, et toutes ces différences ne viennent que du plus ou du moins de substance huileuse que ce fossile renferme ; car il est bon de remarquer qu’il

  1. Les couches de charbon de terre qu’on trouve dans le sol n’ont probablement pas toutes la même origine. Les unes proviennent très certainement de plantes grandes et petites qui ont pourri dans le lieu même où elles avaient végété, comme se forment aujourd’hui les tourbières. D’autres proviennent d’arbres qui ont été entraînés par les fleuves et déposés à l’embouchure de ces derniers.