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POISSONS FOSSILES.

couverts en peu de temps par le sédiment calcaire alors en train de se déposer. Et cet autre fait que quelques individus ont conservé jusqu’à des traces de la couleur de leurs tégumens nous donne la certitude qu’ils ont été complètement ensevelis avant même que la décomposition eût attaqué leurs parties molles[1].

Les poissons de Torre-d’Orlando, dans la baie de Naples, près de Castellamare, paraissent aussi avoir été enveloppés dans une destruction soudaine. M. Agassiz pense que les individus innombrables que l’on y trouve dans le calcaire jurassique appartiennent tous à une espèce unique du genre pycnodus rhombus. Tout un banc de ces poissons paraît avoir été détruit instantanément, et sur un seul point, où les eaux avaient été soit imprégnées de quelque émanation nuisible, soit élevées à une température inaccoutumée[2].

Nous pouvons également supposer que ce furent des dépôts provenant d’eaux bourbeuses, et tenant peut-être en dissolution des gaz délétères, qui formèrent en s’accumulant cette succession de lits épais de marne et d’argile que l’on observe dans

  1. Un poisson célèbre, extrait de cette carrière, un Blochius longirostris, a été décrit comme ayant été pétrifié dans l’acte même d’en avaler un autre (Ithyolithologia Véronese, tab. xii) ; mais M. Agassiz s’est assuré que cette apparence était uniquement due à la juxtaposition accidentelle des deux poissons. La tête du plus petit, de celui que l’on suppose avoir été avalé, a un volume tel qu’elle n’eût pu tenir dans l’estomac fort peu considérable de l’autre ; et en outre, le premier, dans la position qu’il occupe, ne pénètre réellement pas entre les bords des mâchoires du second.
  2. Le peu de distance qu’il y a entre cette roche et la chaîne volcanique du Vésuve suffit à expliquer comment l’une et l’autre de ces causes de destruction a pu envahir les eaux dans un espace limité de la baie de Naples, durant la période qui précéda toutes ces puissantes éruptions volcaniques si violentes dont ce point du globe fut le théâtre tout le temps que dura le dépôt des couches tertiaires, et qui s’y continuent encore de nos jours.