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À PROPOS DES « BÉATITUDES »

gigantesque, souffrir, ramper, pleurer sans cesse, et toujours la voix consolatrice descend du ciel, combattant le démon qui finit par s’avouer vaincu, alors qu’un cri formidabe de délivrance secoue la Terre régénérée.

Les musiques infiniment variées de ce poème philosophique sont d’une grandeur, d’une sérénité, d’une sublimité incomparables. L’art de Franck y resplendit en sa fierté souveraine, en sa tendresse naïve, en son austérité calme, en sa pure et lumineuse clarté. Avec quelle maîtrise sont employées les plus belles ressources de la polyphonie orchestrale et vocale ; avec quelle aisance, quelle sûreté, quelle profondeur d’expression, quelle modernité de facture se transforment les thèmes ! Celui de Jésus, par exemple, qui s’adapte si excellement aux sentiments divers des huit Béatitudes, surgissant d’abord des sonorités graves du violoncelle pour s’épandre ensuite dans toute la partition avant d’éclater en hosanna de triomphe pendant le chœur final. Et ces motifs véhéments, devenus tout à coup si tristes, si désolés en leur impressionnante lenteur, et achevant de se développer au milieu du renaissant tumulte des instruments !…

Aucune parole ne peut donner l’idée d’un tel chef-d’œuvre. J’ai voulu, seulement, dire ici