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BERLIOZ ET « LES TROYENS »

un chef d’orchestre allemand, M. Félix Mottl, se passionnait pour les Troyens, les donnait intégralement, en deux soirées, sur son théâtre de Carlsruhe, cela avec un éclat splendide et un succès dont il fallut tenir compte. L’Opéra les monta donc, commençant logiquement par la première partie, la Prise de Troie. Et la parole de Berlioz s’élève, dominant ce demi-siècle d’ingratitude : « Rien ne peut faire que ma partition n’existe pas. » L’œuvre de beauté et de santé, en effet, a sa vie propre qui brave les attentats, qu’il ne dépend de personne d’abréger ou de prolonger. On assassipe un homme, on ne supprime pas une idée, qui tôt ou tard, germe et produit. Et une chose nous frappe encore : Le destin ramène les Troyens à l’Opéra au moment précis où le wagnérisme a franchi, chez nous, avec Tristan et Iseult, sa dernière étape. Hector Berlioz, repoussé jadis de l’Académie nationale de musique par Richard Wagner, y rentre non pour en chasser l’immortel réformateur du drame lyrique, mais pour y occuper enfin la place qui lui est légitimement due, pour y déterminer peut-être un mouvement français très désiré, j’en suis sûr, très nécessaire et très attendu. Faut-il considérer la soirée de la Prise de Troie comme une simple soirée de réparation ou mieux comme une soirée de renaissance ? C’est