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PREMIÈRE PARTIE

CHAPITRE PREMIER


Quelles vaines girouettes nous sommes ! Moi qui avais résolu de me tenir indépendant de toute relation sociale, et remerciais mon étoile de m’avoir enfin amené dans un endroit où ces relations étaient à peu près impraticables, moi, misérable créature sans force, après avoir lutté jusqu’au soir contre l’abattement et la solitude, je fus enfin obligé de céder, et, sous prétexte de m’informer des choses nécessaires à mon installation, j’invitai Madame Dean, quand elle m’apporta le souper, à s’asseoir pendant que je mangerais, avec l’espoir sincère d’avoir une conversation en règle, et d’être ou agréablement réveillé ou tout à fait endormi par ses discours.

— Il y a très longtemps que vous vivez ici ? commençai-je ; ne m’avez-vous pas dit seize ans ?

— Dix-huit, monsieur ; je suis venue quand ma maîtresse s’est mariée, pour prendre soin d’elle : et quand elle est morte, le maître m’a retenue pour faire le ménage.

— En vérité ?

Une pause suivit. Elle n’était pas bavarde, j’en avais