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CHAPITRE IX


Pendant que Miss Linton errait dans le parc et le jardin, toujours silencieuse et presque toujours en larmes, et pendant que son frère restait enfermé parmi des livres qu’il n’ouvrait jamais, gardant sans cesse, je suppose, un vague espoir que Catherine se repentirait de sa conduite et viendrait d’elle-même lui demander pardon et chercher à se réconcilier ; et pendant qu’elle s’obstinait à jeûner, avec l’idée sans doute que, à chaque repas, Edgar était prêt à étouffer de ne pas la voir et que l’orgueil seul le retenait d’aller se jeter à ses pieds ; je continuais, moi, à m’occuper de mes devoirs de ménage, convaincue que la Grange n’avait dans ses murs qu’une seule âme sensée, et que celle-là était logée dans mon corps. Je ne répandais pas mes condoléances sur la demoiselle ni mes supplications sur ma maîtresse ; et je ne faisais pas grande attention aux soupirs de mon maître, qui avait soif d’entendre le nom de sa dame, depuis qu’il ne pouvait plus entendre sa voix. Je résolus de les laisser en venir à bout comme il leur plairait ; et bien que ce fut un procédé d’une lenteur fatigante, il me sembla enfin qu’il allait amener de bons résultats.

Le troisième jour, Madame Linton ouvrit sa porte, et, ayant épuisé toute sa provision d’eau, en désira une nouvelle, en même temps qu’un pot de tisane, car elle croyait qu’elle allait mourir. Je vis bien que c’était là un discours destiné aux oreilles d’Edgar ; et comme je ne croyais pas qu’elle