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— Rien, me dit-il, qu’à me tenir en dehors de son chemin. Mon père ne peut rien me commander parce que je jure sur lui.

— Ah ! Et c’est le diable qui vous apprend à jurer sur votre père ?

— Eh ! non, grommela-t-il.

— Qui alors ?

— Heathcliff.

Je lui demandai s’il aimait M. Heathcliff.

— Oui, je l’aime.

Voulant avoir les raisons de cet amour, je pus seulement en tirer des phrases comme : « Je ne sais pas, il repaie à mon père les coups qu’il me donne, il le gronde de me gronder ; il dit qu’il faut que je fasse comme je veux. »

— Et alors le curé ne vous apprend pas à lire et à écrire ? poursuivis-je.

— Non, j’ai entendu dire que le curé aurait ses dents renfoncées dans sa gorge s’il entrait chez nous. C’est Heathcliff qui l’a promis.

Je mis l’orange dans sa main et je lui commandai de dire à son père qu’une femme appelée Nelly Dean attendait à la porte, du jardin, désirant lui parler. Il partit et entra dans la maison, mais au lieu de Hindley, c’est Heathcliff qui se montra sur les marches. Je me retournai aussitôt et descendis la route aussi vite que je pouvais courir, sans m’arrêter, jusqu’à la pierre du grand chemin. Je me sentais aussi effrayée que si j’avais fait sortir un gobelin. Ceci n’a pas grand rapport avec l’affaire de Miss Isabella ; et pourtant, c’est ce qui m’encouragea dans ma résolution de monter une garde vigilante et de faire tout mon possible pour empêcher une aussi mauvaise influence de s’étendre à la Grange, quand même il me faudrait soulever un orage domestique en contrariant le plaisir de Madame Linton.