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bénéfice de sa première éducation : un travail incessant et pénible, commencé de bonne heure et terminé tard, avait éteint en lui toute curiosité pour le savoir et tout amour des livres ou de l’étude. Son sentiment de supériorité, autrefois inculqué en lui par la faveur du vieux M. Earnshaw, s’était effacé. Longtemps il lutta pour égaler Catherine dans ses études, et quand il céda, ce fut avec un regret poignant, bien que silencieux : mais il dut céder complètement ; et rien ne put prévaloir pour lui faire faire un seul pas en avant, dès qu’une fois il eut senti la nécessité de rester en arrière. En même temps, son apparence physique se mit d’accord avec sa dégradation mentale : il prit une démarche gauche et lourde, un regard vulgaire ; sa réserve naturelle s’exagéra et devint une morosité insociable, excessive au point de lui donner un air idiot ; et il faut croire qu’il prenait un méchant plaisir à exciter l’aversion plutôt que l’estime des rares personnes qui le connaissaient.

Catherine et lui continuaient à rester toujours ensemble dans les moments de répit que lui laissait son travail ; mais il avait cessé de lui exprimer son affection en paroles et il se refusait à ses caresses avec une colère soupçonneuse, comme s’il avait conscience qu’on ne pouvait avoir aucun plaisir à lui prodiguer de telles marques d’affection. Dans l’occasion que je vous disais, il vint à la maison pour annoncer son intention de ne rien faire. J’étais en train d’aider miss Cathy à s’habiller : elle n’avait pas prévu qu’il aurait l’idée de se reposer ce jour-là, et, s’imaginant qu’elle aurait toute la place pour elle seule, elle avait trouvé le moyen d’informer M. Edgar de l’absence de son frère : elle se préparait alors à le recevoir.

— Cathy, est-ce que vous êtes occupée cet après-midi, demanda Heathcliff, est-ce que vous allez quelque part ?

— Non, il pleut.