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qu’une Anglaise aurait pu l’être ; ayant, au lieu de bonnet, des cheveux bruns dont les boucles abondantes encadraient un visage peu régulier, mais expressif, que malgré moi j’examinai attentivement. Qu’est-ce qui prédominait dans sa physionomie ? la sagacité, un jugement ferme et sûr ? Je le pensais ; toutefois je découvrais dans ce visage une sérénité de regard, une fraîcheur de teint plus séduisantes que l’expression des qualités positives dont je croyais m’apercevoir. Nous abordâmes la question qui faisait le sujet de ma visite. Mlle Reuter n’était pas bien sûre, disait-elle, que la détermination qu’elle allait prendre à mon égard fût une chose raisonnable : j’étais bien jeune, les parents pouvaient s’en offusquer. « Mais il est bon parfois d’obéir à son propre mouvement, et il vaut mieux s’imposer aux parents que de se laisser mener par eux. Le mérite d’un professeur n’est pas une question d’âge ; et d’après ce que j’ai entendu dire et ce que j’observe moi-même, ajouta Mlle Reuter, vous m’inspirez plus de confiance que M. Ledru, le professeur de piano, qui approche pourtant de la cinquantaine et qui, de plus, est marié.

— J’espère, répondis-je, me montrer digne de cette bonne opinion ; je me crois d’ailleurs incapable de trahir la confiance que vous voulez bien me témoigner.

— Au reste, dit-elle, vous serez surveillé de près, il faut vous y attendre. » Et nous passâmes à la discussion des intérêts.

Mile Zoraïde, en femme prudente, se tint sur la réserve ; elle commença par m’amener adroitement à déclarer mes prétentions ; elle ne me marchanda pas d’une manière positive, mais, quand j’eus dit un chiffre, elle m’opposa je ne sais combien de raisons, et m’entortilla doucement de ses circonlocutions qui, bref, me