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vivacité ; la vue du petit salon m’avait tellement absorbé, que je ne m’étais pas aperçu qu’on eût ouvert la porte de la pièce précédente. C’était Mlle Reuter qui m’avait adressé la parole et qui maintenant se trouvait en face de moi ; je la saluai, et recouvrant aussitôt mon sang-froid, car je m’embarrasse difficilement, j’entamai la conversation en lui disant combien cette petite pièce était charmante et en la félicitant de l’avantage que son jardin donnait à son établissement.

« Oui, dit-elle, et c’est là ce qui me fait rester ici ; j’aurais sans cela, et depuis longtemps, pris une maison plus vaste et plus commode ; mais je ne peux pas emporter mon jardin, et il me serait difficile, pour ne pas dire impossible, d’en trouver un de la même étendue et qui fût aussi agréable. »

Je fus entièrement de son avis. « Mais vous ne l’avez pas vu, dit-elle en se levant ; approchez-vous de la fenêtre, monsieur » Elle ouvrit la croisée, et me penchant au dehors, j’embrassai du regard cette région inconnue. C’était une bande de terrain cultivé, assez longue, pas très-large, traversée au milieu par une allée bordée d’arbres fruitiers énormes ; une pelouse, un massif de rosiers, un parterre garni de fleurs occupaient le premier plan ; au fond se trouvait un bosquet de lilas, d’acacias et de faux ébéniers. L’aspect m’en était d’autant plus agréable que depuis longtemps je n’avais pas vu le moindre jardin. Mais ce ne fut pas seulement sur les poiriers et les cytises que j’arrêtai mes yeux ; je les détournai bientôt des arbrisseaux gonflés de séve pour les reporter sur Mlle Reuter.

Je m’attendais à trouver une personne longue et jaune, vêtue de noir, une figure monacale au fond d’un bonnet blanc attaché sous le menton ; et j’avais sous les yeux une petite femme rondelette, qui ne devait pas avoir plus de vingt-six ou vingt-sept ans ; aussi blanche