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raient nos vénérables aïeules comme honteuse et dégradante ; Mme Reuter, à en juger par sa figure réjouie, ne devait pas faire exception à la règle brabançonne ; elle avait surtout une certaine manière de cligner de l’œil gauche, tandis que son œil droit restait à demi fermé, qui me paraissait plus que bizarre. Je cherchai d’abord à comprendre les motifs que ces deux singulières créatures avaient pu avoir pour m’inviter à partager leur goûter ; je ne pus y parvenir, et, me résignant à une mystification indubitable, je tâchai du moins de faire honneur aux confitures et aux gâteaux que mes deux compagnes me servaient à profusion ; elles mangeaient ainsi que moi, et d’un appétit qui n’avait rien de féminin. Lorsque la plupart des solides eurent été absorbée, on m’offrit un petit verre ; je le refusai ; quant à ces deux dames, elles composèrent un mélange que j’appellerai du punch, en remplirent chacune un bol qu’elles placèrent sur un guéridon, et, s’étant rapprochées du poêle, elles m’engagèrent à venir m’asseoir à côté d’elles.

« Maintenant parlons affaires, » me dit la mère de M. Pelet. Et la brave dame me débita un discours évidemment préparé, où elle me disait qu’elle m’avait demandé de lui faire le plaisir de descendre chez elle pour donner à son amie, Mme Reuter, le moyen de me soumettre une proposition importante, qui pourrait m’être excessivement avantageuse.

« Pourvu que vous soyez sage ; il est vrai que vous en avez bien l’air, me dit Mme Reuter. Prenez une goutte de punch ; c’est une boisson agréable et surtout très-saine après un repas copieux. » Je m’inclinai en lui faisant un signe négatif ; elle poursuivit : « Je sens, reprit-elle après avoir siroté gravement une gorgée du susdit punch, je sens profondément toute l’importance de la commission dont ma chère fille a bien voulu me