Page:Brontë - Le Professeur.djvu/77

Cette page n’a pas encore été corrigée




CHAPITRE VIII.


Et M. Pelet, comment vivais-je avec lui ? parfaitement bien. Je n’avais qu’à me louer de sa conduite à mon égard, de sa bonté pleine de délicatesse, de ses procédés affectueux ; jamais un mot qui trahît sa supériorité de position, jamais de froideur ni d’importunité, bien qu’il se montrât d’une invariable sécheresse pour ses maîtres d’étude. Un jour que ma figure exprima sans doute combien j’étais douloureusement surpris de la différence qu’il établissait entre eux et moi, il s’en aperçut et me dit en souriant d’un air de mépris : « Ce ne sont que des Flamands. » Il ôta son cigare de ses lèvres et cracha sur le plancher. Certes les deux pauvres garçons étaient Belges et avaient la figure nationale, où l’infériorité intellectuelle est gravée de manière à ne pas pouvoir s’y méprendre : mais ce n’en était pas moins des hommes ; qui plus est, des hommes honnêtes, et je ne voyais pas comment leur qualité d’aborigènes de ce pays plat et insipide motivait le mépris et la sévérité dont on les accablait ; le sentiment de cette injustice empoisonnait quelque peu la satisfaction que je ressentais de l’affabilité de mon chef. Il ne m’en était pas moins fort agréable, lorsque ma tâche quotidienne était remplie, de trouver dans mon supérieur un camarade intelligent, d’un esprit vif et joyeux ; si parfois il était un peu caustique ou un peu trop insinuant, si je croyais voir que sa douceur était plus apparente que réelle, si de temps à autre je soup-