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excessivement étroit, que, par bonheur, je devais occuper seul ; malgré sa petitesse, ma chambre avait deux fenêtres ; la lumière ne payant pas d’impôt en Belgique, les habitants l’admettent volontiers dans leurs demeures. L’une de ces fenêtres donnait sur la cour où les élèves prenaient leurs ébats pendant la récréation ; l’autre était fermée par des planches dont la vue me causa un certain étonnement.

Qu’aurait-on découvert, si les planches avaient été enlevées ? M. Pelet devina sans doute quelle était ma pensée, car il s’empressa de me dire que cette fenêtre donnait sur un jardin appartenant à un pensionnat de demoiselles : « Et, vous le sentez, les convenances exigent… Vous comprenez, monsieur ? — Oui, oui, » répondis-je d’un air approbateur. Mais lorsque M. Pelet fut sorti, je m’approchai de la fenêtre dans l’espoir de découvrir entre les planches une crevasse, une petite fente que je pusse élargir et qui me permît de jeter un coup d’œil sur le terrain défendu ; mais les planches étaient parfaitement saines, très-bien jointes et solidement clouées ; c’est étonnant combien je fus désappointé. « Il aurait été si agréable, pensais-je, d’avoir sous les yeux des arbres et des fleurs ! si amusant d’épier ces demoiselles, d’assister à leurs jeux, d’étudier le caractère de la femme dans ses diverses phases, sans sortir de chez soi, abrité par un rideau de mousseline ! Au lieu de cela, grâce aux absurdes préjugés d’une vieille duègne, je n’avais autre chose à regarder que le sable d’une cour ou les murs insipides d’un pensionnat de garçons. Et ce n’est pas seulement le premier jour que les planches de cette maudite fenêtre m’inspirèrent ces réflexions ; bien des fois, surtout dans les instants de lassitude, j’ai tourné les yeux vers cette croisée tantalisante, éprouvant le désir de tout briser, afin de plonger mes regards sur la verte oasis que je rêvais derrière