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Si votre patience a pour but de plaire à Crimsworth et d’améliorer votre position, vous êtes à la fois sage et prudent, mais ce qu’on appelle un mercenaire ; si vous croyez de votre devoir de plier sous l’insulte, et de répondre à l’injure par la résignation, vous êtes un pauvre diable qui n’avez rien d’un homme et ce n’est pas vous que je cherche ; si vous endurez tout cela parce que vous êtes flegmatique, insensible, trop mou pour résister, Dieu vous a fait alors pour qu’on vous écrasât ; couchez-vous donc, ne bougez pas, et laissez-vous broyer par le char de Jaggernaut. »

Comme on le voit, l’éloquence de M. Hunsden était loin d’être mielleuse ; ses paroles me déplurent : je crus reconnaître en lui un de ces individus qui, sensibles eux-mêmes, sont souvent impitoyables pour la sensibilité des autres ; d’ailleurs, bien qu’il ne ressemblât ni à Crimsworth ni à lord Tynedale, je ne l’en soupçonnai pas moins d’avoir l’esprit dominateur à sa manière. Il y avait dans ses reproches un certain despotisme qui visait à pousser l’opprimé à la révolte, et, en le regardant de plus près, je vis dans son regard et dans sa pose la détermination bien arrêtée de s’arroger une liberté sans limites qui devait souvent empiéter sur celle de ses voisins ; je ne pus m’empêcher de rire de cette inconséquence ; et mon officieux ami, qui s’attendait à me voir écouter ses paroles amères tout au moins avec calme, s’irrita de mon sourire.

« Vous êtes un aristocrate, je vous l’ai déjà dit, reprit-il, le front assombri et les narines dilatées ; quel rire et quel regard que le vôtre ! froidement railleur, indolent et mutin ; une ironie, une insolence toute patricienne ; vous auriez été un parfait gentilhomme ! Quel dommage que la fortune ait déjoué la nature ! regardez vos traits, votre taille, vos mains elles-mêmes ; partout le cachet de la distinction difforme. Si vous