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CHAPITRE IV.


On n’aime pas, en général, à reconnaître qu’on s’est mépris en choisissant telle ou telle profession ; et tout individu qui mérite le nom d’homme, rame longtemps contrevents et marée avant d’avouer qu’il s’est trompé de chemin et de s’abandonner au courant qui le ramène au point de départ. Le travail que j’avais à faire me déplaisait : je l’avais senti dès la première semaine. La chose en elle-même n’avait rien d’attrayant : copier des lettres d’affaires et les traduire formait une besogne assez aride ; mais, si tous mes ennuis s’étaient bornés à cette tâche fastidieuse, je les aurais supportés sans m’en plaindre. Je suis patient de ma nature ; et, soutenu par le double désir de gagner ma vie et de justifier à mes yeux et à ceux des autres la résolution que j’avais prise, j’aurais subi en silence les tortures que m’imposaient la rouille et les crampes de mes facultés les plus précieuses ; je ne me serais pas même dit tout bas que j’aspirais à la liberté ; j’aurais étouffé les soupirs que m’arrachaient la fumée, les miasmes, la vie monotone et tumultueuse de Bigben-Close, le besoin de respirer un air pur et de voir des arbres et des fleurs. J’aurais placé l’image du devoir, le fétiche de la persévérance, dans la petite chambre que j’occupais chez mistress King ; j’en aurais fait mes dieux lares, et je n’aurais pas permis à l’imagination, cette favorite qui avait tout mon amour, de m’arracher à leur culte. Mais ce n’était rien que d’avoir à faire une besogne ennuyeuse : l’antipa-