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traîna au milieu des tourbillons d’une valse rapide, et resta auprès d’elle jusqu’à la fin du bal ; je lisais dans le regard animé et dans le sourire de la jeune fille qu’il avait su lui plaire. La maman (une grosse femme enturbannée qu’on appelait mistress Lupton) paraissait également satisfaite ; des visions prophétiques flattaient sans aucun doute ses espérances maternelles : la famille Hunsden était de vieille souche, et, quel que fût le mépris que Yorke Hunsden (mon interlocuteur) professât pour les avantages de la naissance, il appréciait très-bien au fond de son âme la distinction qu’il tirait de son ancienne origine, dans une ville de parvenus où pas un habitant sur mille, disait-on, n’avait connu son grand-père. En outre ; la famille Hunsden, riche autrefois, avait conservé une belle aisance, et le bruit public affirmait que Yorke ne tarderait pas à rendre à sa maison la prospérité des anciens jours. La grosse figure de mistress Lupton pouvait donc sourire à bon droit en voyant l’héritier de Hunsden-Wood se montrer attentif pour sa Martha chérie ; quant à moi, dont les observations plus désintéressées étaient sans doute plus exactes, je vis bientôt que la jubilation de l’excellente femme reposait sur un terrain moins solide qu’elle ne se plaisait à le croire ; M. Hunsden me paraissait beaucoup plus désireux de produire une impression favorable que susceptible de la ressentir. Je ne sais pas ce qui pouvait me suggérer cette idée ; peut-être quelque chose d’étranger dans sa physionomie : sa taille, la coupe de son visage et de ses traits, indiquaient bien son origine anglaise ; mais il n’avait pas la réserve britannique ; on retrouvait dans son regard et dans ses manières un certain cachet gaulois ; il avait appris ailleurs l’art de se mettre parfaitement à son aise et de ne pas souffrir que la timidité insulaire vînt se placer entre lui et l’objet de ses désirs. Il ne visait pas à la distinction, mais il était loin