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avait plus de sécheresse que de courtoisie, et je voulus m’éloigner.

« Restez encore un instant, me dit-il en se plaçant en face de moi : il fait trop chaud dans le salon ; d’ailleurs vous ne dansez pas. »

Il avait raison : je ne trouvais rien dans son regard et dans sa voix qui me déplût, et mon amour-propre était flatté ; il s’adressait à moi parce qu’il avait besoin de parler à quelqu’un et qu’il cherchait à se distraire. Je déteste que l’on me témoigne de la condescendance ; mais j’aime à obliger les autres, et je restai sans me faire prier davantage.

« La peinture en est bonne, reprit M. Hunsden en levant de nouveau les yeux vers le portrait de ma mère.

— Trouvez-vous que cette figure soit jolie ? lui demandai-je.

— Non ; comment le serait-elle avec des joues creuses et des yeux caves ? mais elle a un certain charme qui vous attire ; elle est pensive, et l’on aimerait à causer avec cette femme d’autre chose que de toilette et de fadaises. »

C’était mon opinion, mais je ne lui en dis rien.

« Non pas, continua-t-il, que j’admire une pareille tête : elle manque de force et de caractère ; il y a dans la bouche quelque chose qui tient trop de la sen-si-tive, dit-il en appuyant sur chaque syllabe ; d’ailleurs le mot aristocrate est gravé sur le front, dans la coupe de la figure, dans les lignes du cou et des épaules ; et je déteste les aristocrates.

— Vous pensez alors qu’une origine patricienne peut imprimer à la forme un certain cachet distinctif qui se révèle dans les traits et dans…

— Peste soit de l’origine patricienne ! Qui peut douter que vos gentillâtres n’aient leurs traits particuliers et leur cachet distinctif, aussi bien que nous autres ma-