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sorte. Notre semaine de congé à l’occasion du nouvel an fut bientôt écoulée, et nous reprîmes notre travail avec plus d’ardeur que jamais, sachant que nous étions de simples ouvriers destinés à gagner notre vie par des efforts soutenus et un labeur continuel. Nous partions le matin à huit heures, et nous restions dehors jusqu’à cinq ; mais quel repos délicieux remplaçait chaque soir les fatigues de la journée ! Lorsque je regarde en arrière, je vois toujours nos soirées d’alors, m’apparaissant comme autant de rubis qui resplendissent an front ténébreux du passé.

Nous étions mariés depuis dix-huit mois ; un matin (c’était un jour de fête et nous avions congé), Frances, avec la soudaineté qui lui était particulière quand, après avoir pensé longtemps à une chose, elle voulait soumettre à mon jugement la conclusion à laquelle elle était arrivée, me dit tout à coup : « Je ne travaille pas assez.

Comment cela ? » demandai-je en levant les yeux avec surprise.

Au moment où elle m’avait adressé la parole, je tournais méthodiquement ma cuiller dans mon café, jouissant par avance d’une promenade que nous nous proposions de faire jusqu’à une certaine ferme où nous devions dîner. « Que veux-tu dire ? » ajoutai-je. À l’ardeur qui animait sa figure, je vis tout de suite qu’il s’agissait d’un projet important.

« Je ne suis pas contente de moi, répondit-elle ; vous gagnez huit mille francs dans votre année, et moi, j’en suis toujours à mes misérables douze cents francs. Je peux faire mieux que cela, et je veux y parvenir.

— Tu travailles autant que possible, Frances, tu ne peux pas faire davantage.

— Oui, monsieur ; mais je suis dans une mauvaise voie : il s’agit d’en sortir.

— Tu as un projet arrêté, ma Frances : va mettre