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ouvrière, vous, noble rejeton de la famille des Seacombe ? Et moi qui le plaignais, supposant que la passion l’égarait, et qu’il courait à sa perte en faisant un sot mariage !

— Lâchez-moi, Hunsden. »

Au lieu de faire ce que je lui demandais, il me secoua vigoureusement ; je le saisis par la taille. La nuit était obscure, la rue déserte et sans réverbères ; nous luttâmes pendant quelques instants, et, après avoir roulé tous les deux sur le pavé et nous être relevés, non sans peine, nous convînmes de poursuivre notre chemin plus tranquillement.

« Oui, c’est là ma raccommodeuse de dentelle, répondis-je, celle qui sera ma femme, si toutefois Dieu le permet.

— Il ne le permettra pas, soyez-en sûr. Que diable avez-vous fait pour être si bien pourvu ? C’est qu’elle le traite avec une sorte de respect, qu’elle module sa voix pour lui adresser la parole, absolument comme si monsieur était un être supérieur. Elle ne me témoignerait pas plus de déférence si elle avait été assez heureuse pour être choisie par moi !

— Vous êtes un fat, Hunsden. Mais vous n’avez entrevu que le titre de mon bonheur ; vous ne savez pas quel récit contiennent les pages suivantes, quel intérêt profond et varié, quelle émotion puissante et douce il fait naître à chaque ligne. »

Hunsden me pria de me taire, me menaçant d’un châtiment effroyable si je continuais, en me vantant, d’exciter sa fureur. Il parlait bas, car nous étions dans une rue populeuse ; sa voix était remplie d’émotion. J’éclatai de rire jusqu’à m’en rompre les côtes ; nous fûmes bientôt arrivés à son hôtel et nous nous arrêtâmes devant la porte :

« Ne faites pas tant le glorieux, reprit-il ; votre ou-