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— Je serais bien fâché de l’aimer ! un pays corrompu et vénal, où tout n’est qu’arrogance et paupérisme, orgueil et impuissance ; une nation rongée par l’aristocratie et le monarchisme, vermoulue de préjugés, pourrie par les abus !

— C’est partout la même chose ; il a des abus dans tous les pays, et je pensais qu’en Angleterre il y en avait moins qu’ailleurs.

— Allez-y donc et voyez ; allez à Birmingham et à Manchester ; allez à Saint-Gilles, qui est dans Londres, et recueillez-y des notions pratiques sur la bonté du système qui nous régit. Examinez l’empreinte des pas de notre aristocratie ; vous verrez qu’elle marche dans le sang et qu’elle écrase des cœurs à chaque fois qu’elle avance. Passez la tête aux portes des cottages anglais ; vous verrez la faim rampant sur les pierres noircies d’un foyer vide, l’agonie gisant toute nue sur des grabats sans couvertures, et l’infamie s’accouplant à l’ignorance. Pourtant la Grande-Bretagne aime le luxe avec passion, et préfère les châteaux princiers aux masures couvertes de chaume.

— Ce n’est pas aux vices de l’Angleterre que je pensais, répondit Frances, mais à ses beaux côtés, à ce qui fait sa gloire et son élévation.

— Elle n’a pas de beaux côtés, ou du moins vous ne les connaissez pas. Votre éducation bornée, votre position obscure, ne vous permettent point d’apprécier les efforts de l’industrie, les résultats d’immenses entreprises ou les découvertes de la science ; quant aux souvenirs historiques ou littéraires qu’elle peut avoir, je ne veux pas vous insulter, mademoiselle, en supposant que vous faites allusion à de pareilles balivernes.

— Pourquoi pas, monsieur ? »

Hunsden se mit à rire avec un souverain mépris.

« Êtes-vous du nombre de ceux à qui de tels sou-