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noncer au travail ? Oh ! non, je m’y attache plus que jamais. Et sa petite main serra vivement la mienne. « Pensez-y donc, monsieur, poursuivit-elle en s’animant de plus en plus, vous épouser pour me faire entretenir par vous ! oh ! je ne le pourrais pas ; et comme je m’ennuierais ! Vous seriez occupé du matin jusqu’au soir à donner des leçons dans une classe bruyante, et moi je languirais à la maison, toute seule et ne faisant rien ! mais je deviendrais triste et maussade, et avant peu vous seriez fatigué de moi.

— Vous pourriez lire, étudier, deux choses que vous aimez passionnément.

— Non, ce serait impossible ; j’aime le repos, mais je lui préfère l’activité ; il faut que j’agisse et que j’agisse avec vous ; j’ai observé que les personnes qui n’ont que du plaisir à chercher dans la compagnie l’une de l’autre, s’estiment beaucoup moins et ne s’aiment jamais autant que celles qui travaillent et qui souffrent ensemble.

— Vous avez raison, lui dis-je enfin : c’est la vérité divine qui parle par votre bouche ; suivez la route que vous avez choisie, c’est assurément la meilleure ; et maintenant que j’ai consenti, donnez-moi vous-même un baiser pour récompense. »

Après une hésitation bien naturelle chez une personne ayant aussi peu pratiqué l’art d’embrasser, elle effleura doucement mon front de ses lèvres timides ; je pris ce léger don pour un prêt, et je le lui rendis avec usure.

Je ne sais pas si Frances était véritablement changée depuis la première fois que je l’avais vue, mais elle était singulièrement embellie à mes yeux. Je me rappelais ce regard triste et sans éclat, ces joues-pâles, cet air abattu que je lui avais trouvés d’abord et que je voyais aujourd’hui remplacés par de brillants sourires, des contours arrondis, une physionomie expressive et