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pour reprendre ces feuillets, en disant que ce n’était rien, quelques pages de français qu’elle avait copiées et qui n’offraient aucun intérêt. J’insistai, sachant qu’elle cédait ordinairement lorsque je m’exprimais d’une manière décisive ; mais elle n’en fit rien dans cette occasion, et je fus obligé de détacher ses doigts qui retenaient toujours les feuillets disputés ; ils se relâchèrent aussitôt ; elle retira vivement sa main, que la mienne aurait suivie bien volontiers ; mais je devais, quant à présent, m’interdire toute démonstration un peu trop vive.

Les feuillets dont je restais possesseur n’étaient autre chose qu’une composition française dont, sans être positivement l’héroïne, Frances avait écrit les détails d’après sa propre expérience ; de cette façon elle avait, en évitant la personnalité, exercé son imagination et satisfait son cœur.

« Mon esprit fut captivé tout d’abord, disait-elle dans ces pages ; l’intérêt vint ensuite, la reconnaissance lui succéda bientôt. Je lui obéis sans effort et je travaillai sans fatigue ; si je venais à me lasser, un mot ou un regard me rendait toute ma force. Lui-même ne tarda pas à me distinguer de mes compagnes, mais seulement par ses questions plus nombreuses et par plus d’exigence ; l’omission ou la faute qui attirait à peine quelques paroles de blâme sur les autres élèves, si j’en étais coupable, excitait sa colère ; il s’impatientait lorsque la souffrance enrayait mes études, et se plaignait vivement de ce que mes forces languissantes ne répondaient plus à ce qu’il attendait de moi.

« Un jour, retenue dans mon lit où je me débattais contre la douleur, je l’entendis qui disait en inclinant la tête : « Seigneur, il faut qu’elle vive. » Sa main pressa doucement la mienne, j’essayai de lui répondre ; j’étais sans force pour parler ou faire un signe, mais