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murmure, un accent mystérieux… À qui s’adressait-il ? c’est ainsi que la solitude parle au désert ou dans les salles d’une maison abandonnée.

« Une seule fois, mon fils, des pas ont foulé cette sombre caverne, dit-il ; c’est à l’époque où le juste était persécuté ; jours de malheur où Dieu avait abandonné cette terre. Un proscrit échappé des marais de Bewley, rougis du sang des martyrs, vint se retirer ici ; il s’arrêta souvent dans sa course pour prêter l’oreille au vent de la nuit : car le sifflement de la bise lui apportait le bruit des pas d’une armée qui franchissait les monts Cheviots ; et, de la rampe des Whitelaw, brillait fréquemment l’éclair qui porte la mort. »

La vieille ballade écossaise récitée à voix basse s’interrompit tout à coup ; un profond silence lui succéda, puis on remua de nouveau ; j’eus peur d’être surpris écoutant à la porte, je frappai pour m’annoncer, et j’entrai immédiatement. Frances marchait lentement dans sa chambre, elle s’arrêta en me voyant ; elle était seule avec les ténèbres croissantes et la flamme du foyer ; c’était à ces deux sœurs, la lumière et l’ombre, qu’elle récitait la vieille ballade, écho des montagnes à qui Walter Scott avait prêté son langage. Grave et recueillie, elle leva sur moi des yeux qui semblaient s’éveiller d’un rêve ; ses vêtements étaient simples, mais soigneusement arrangés, ses cheveux bruns disposés avec goût ; un ordre parfait régnait dans sa chambre ; tout ce qui l’environnait respirait le calme d’une vie régulière ; mais pensive, forte dans son isolement, disposée à la rêverie, peut-être à l’inspiration, qu’avait-elle à démêler avec l’amour ? « Rien, me répondait sa physionomie douce et triste ; la force morale me soutiendra et la poésie charmera mon existence ; les affections humaines ne fleurissent pas pour moi et la passion m’est étrangère » Il y a d’autres femmes qui