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n’eus pas plutôt déjeuné que je retournai chez M. Vandenhuten. Je ne pensais pas le rencontrer, car huit jours à peine s’étaient écoulés, depuis ma première visite, mais je comptais obtenir quelque renseignement sur l’époque de son retour : je fus plus heureux que je ne l’avais espéré. M. Vandenhuten, bien que sa famille fût toujours à Ostende, avait été rappelé à Bruxelles par une affaire et se trouvait précisément chez lui lorsque je m’y présentai. Il me reçut avec la bienveillance d’un homme sincère, mais calme par tempérament. Cinq minutes après mon entrée dans son cabinet, je me sentais beaucoup plus à l’aise que cela ne m’arrivait d’ordinaire en présence des personnes que je ne connaissais pas ; j’en étais d’autant plus étonné que je venais solliciter une faveur, chose qui pour moi était toujours horriblement pénible. Je me demandais le motif de cette tranquillité singulière ; je craignais qu’elle ne recouvrît une déception ; mais bientôt j’entrevis sur quelle base elle reposait, et je me sentis complètement rassuré.

M. Vandenhuten était riche et influent ; j’étais pauvre et sans pouvoir aucun, c’est-à-dire qu’entre nous existait un abîme ; mais si la société nous tenait à l’écart l’un de l’autre, la nature nous rapprochait, en dépit de l’ordre social. M. Vandenhuten, Hollandais et non Flamand, était froid, tranquille, d’une intelligence épaisse, bien que possédant un jugement sain et éclairé. J’étais nerveux au contraire, actif, prompt à concevoir et à réaliser ; j’avais autant de susceptibilité qu’il possédait de bienveillance ; bref, nos caractères s’engrenaient à merveille, et mon esprit, ayant plus de chaleur et d’activité que le sien, prédominait instinctivement et rétablissait l’équilibre entre nos deux positions.

Dès que je fus assuré de cette vérité, j’exposai à