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et m’eut bien vite absous de ma prétendue prospérité. Cette découverte opéra un curieux effet dans son étrange cerveau ; je suis certain qu’il m’aurait détesté s’il m’avait trouvé dans un charmant salon, étendu sur un divan moelleux, ayant à mes côtés une jeune et jolie femme ; c’est tout au plus s’il aurait poussé la politesse jusqu’à me faire une courte visite, froide et hautaine, et je ne l’aurais pas revu tant que la fortune m’eût été favorable : mais les chaises de bois peint, les murailles nues, en un mot l’aspect de ma pauvre chambre amollit son orgueil, et je ne sais quel changement s’opéra dans sa voix et dans son regard attendris, lorsqu’il reprit la parole.

« Avez-vous une autre place ?

— Non.

— Mais vous êtes sur le point d’en avoir une ?

— Non.

— Tant pis ! Êtes-vous allé voir Brown ?

— Non, vraiment.

— Vous avez eu tort ; il est souvent en mesure de donner d’utiles renseignements à cet égard.

— Il m’a rendu service une fois ; je n’avais aucun droit à me représenter chez lui, je n’aime pas d’ailleurs à importuner les gens.

— Oh ! si vous êtes timide ou si vous craignez d’être importun, chargez-moi de la commission ; je le verrai ce soir et je lui en dirai un mot.

— N’en faites rien, je vous prie, monsieur Hunsden ; je suis déjà votre débiteur ; vous m’avez rendu un important service en Angleterre en m’arrachant d’une caverne où je serais mort ; je ne pourrai jamais m’acquitter envers vous, et je refuse positivement de rien ajouter à la somme que je vous dois.

— Je suis enchanté que le vent souffle de ce côté-là ; je savais bien que la générosité sans exemple dont j’ai