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un langage inaccoutumé ; sois toujours le même, regarde ce qu’elle écrit, écoute sa lecture, reprends-la tranquillement, ou encourage ses efforts ; tu connais l’effet de cette méthode, tu sais animer son regard, éveiller son sourire ; tu as le secret de faire naître sur son visage mille expressions diverses ; tu peux, aussi longtemps que tu voudras, la tenir captive sous ta parole comme sous un charme puissant, fermer ses lèvres éloquentes, et lui inspirer la défiance d’elle-même. Tu sais pourtant que sa douceur n’est pas de la faiblesse ; tu as vu souvent, et avec une sensation de plaisir étrange, sa physionomie exprimer énergiquement la révolte, l’indignation, l’amertume, ou le dédain ; tu sais qu’il est peu de personnes qui la dominent, et que tu as sur son âme une souveraine influence ; tu sais qu’elle peut se briser, et non se courber sous la tyrannie et l’injustice, mais qu’elle se laisse guider par la raison et la tendresse ; va et emploie leur langage ; il est calme, et tu peux t’en servir en toute sécurité.

— Non, c’est impossible, répondis-je à la folle du logis ; on est maître de soi jusqu’à un certain point, mais pas au delà. Puis-je aller maintenant chez Frances, m’asseoir à ses côtés, et seul avec elle, dans une chambre silencieuse, ne lui parler que le langage de la raison ?

— Non, » répliqua d’un ton bref et plein d’ardeur, l’amour qui s’était emparé de moi, et qui me gouvernait complètement.

Le temps semblait s’être arrêté, le soleil ne se couchait pas, les aiguilles de ma montre étaient paralysées.

« Quelle chaleur étouffante ! » m’écriai-je en ouvrant les deux battants de la fenêtre. J’avais eu rarement une aussi forte fièvre. J’entendis un pas retentir dans l’escalier ; je me demandai si le locataire qui montait en ce moment était dans une situation d’esprit aussi