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Le moment décisif approchait ; les vacances étaient à peine ouvertes que des préparatifs, annonçant quelque grand événement, se firent de tous côtés dans la demeure particulière de M. Pelet. La maison fut livrée aux peintres et aux tapissiers ; on parla du salon de Madame, de la chambre et du cabinet de Madame ; et ne supposant pas que la vieille duègne, qui pour le moment était gratifiée de ce titre dans l’institution, eût inspiré à son fils une piété filiale assez ardente pour le pousser à de semblables dépenses, j’en conclus avec le cuisinier, les deux servantes et le marmiton, que ces chambres si fraîches devaient être occupées par une Madame plus gracieuse et plus jeune.

Bientôt la grande nouvelle fut annoncée d’une manière officielle. M. François Pelet et Mlle Zoraïde Reuter, tous les deux chefs d’institution, devaient s’unir la semaine suivante par les liens du mariage. Ce fut l’heureux François qui me l’apprit en personne, ajoutant qu’il espérait bien que je resterais son ami comme je l’avais toujours été, et que je continuerais à l’aider de mes services, dont il élevait le salaire de deux cents francs par an. Je le remerciai, toutefois sans lui répondre d’une manière définitive. Lorsqu’il fut parti, je quittai ma blouse et, mettant mon paletot, j’allai faire une longue promenade du côté de la porte de Flandre, afin de me rafraîchir le sang et de rétablir un peu d’ordre au milieu de mes idées. Je venais par le fait de recevoir mon congé ; il m’était impossible de me dissimuler que, Mlle Reuter devenant Mme Pelet, je ne devais pas rester dans une maison qui allait être la sienne. La conduite qu’elle tenait maintenant à mon égard était certainement remplie de convenance et de dignité ; mais je savais qu’au fond ses sentiments n’avaient pas changé : réprimés aujourd’hui par la nécessité, masqués par la feinte, l’occasion serait plus forte que le décorum et ne