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image pensive, intelligente et douce, l’esprit absorbé par le souvenir de ce caractère plein de fierté et pourtant si flexible, de cette nature ardente et grave, de cette dignité modeste qui troublait ma mémoire, le désir de contracter de nouveaux liens, de nouvelles charges, imposait silence au rebelle, et me faisait envisager la résignation comme une vertu de Spartiate.

Sur ces entrefaites, la fureur de M. Pelet disparut tout à coup : il avait suffi d’une quinzaine pour la développer et l’éteindre ; c’est pendant ce temps-là qu’avait eu lieu le renvoi de la maîtresse de couture, et qu’ayant demandé son adresse sans pouvoir l’obtenir, j’avais à mon tour donné ma démission à Mlle Reuter. Cet acte de vigueur avait enfin rappelé cette dernière à elle-même et l’avait fait rentrer dans la voie qu’une décevante illusion lui avait fait quitter : je ne veux pas dire qu’elle rentra dans le sentier de la vertu, où jamais elle n’avait mis les pieds ; mais elle foula de nouveau la grande route du sens commun, dont elle s’était largement écartée. Son premier soin fut de se remettre à la piste de son ancien adorateur, qu’elle rejoignit bientôt ; j’ignore par quels moyens elle réussit à calmer sa colère et à lui remettre un bandeau sur les yeux ; mais il fallait bien qu’elle fût parvenue à lui persuader que je n’avais jamais été son rival, puisque la haine du chef d’institution pour moi fit, place immédiatement à un excès d’aménité, où se mêlait un certain contentement de soi-même plus risible qu’irritant. M. Pelet avait mené la vie de garçon d’après la méthode française, c’est-à-dire sans égard pour les mœurs ; et je pensai que la période matrimoniale de son existence rentrerait dans le même système. Il s’était vanté plus d’une fois, en causant avec moi, d’avoir fait la terreur des nombreux maris de sa connaissance ; je prévoyais qu’il serait facile de lui rendre la monnaie de sa pièce.