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ce monde, une impression plus vive que les assiduités d’un chef d’institution à la fois riche et bien posé ? Je ne pus m’empêcher de sourire en acquérant cette preuve d’un succès que je n’avais pas désiré ; toutefois, bien que cette conquête flattât mon amour-propre, mon cœur n’en était pas touché. Lorsque le lendemain Zoraïde s’excusa de me recevoir dans le corridor et tenta de fixer mon attention par son humilité, c’est à peine si je ressentis de la pitié pour elle ; un salut glacial et une réponse brève et sèche aux questions pressantes qu’elle me faisait sur ma santé furent tout ce que je pus lui accorder. Sa présence et ses manières produisaient sur moi depuis quelque temps un singulier effet ; elles neutralisaient le bon côté de ma nature et développaient le germe des mauvais penchants qui s’y trouvaient cachés ; sa vue énervait parfois mes sens, mais elle ne manquait jamais d’endurcir mon cœur ; je le sentais et je m’en faisais de vifs reproches : j’ai toujours abhorré le despotisme, et il m’était odieux de me voir transformé en tyran par l’approche d’une esclave, dont je n’avais pas désiré la possession. Il y a, dans cet encens lascif que vous offre une adoratrice encore jeune et attrayante, un parfum irritant qui mêle au plaisir qu’il produit le sentiment de la dégradation où vous plonge la jouissance qu’il vous cause ; lorsqu’elle venait à se glisser auprès de moi du pas craintif de l’esclave, je me sentais devenir à la fois barbare et sensuel comme un pacha ; je repoussais ou j’agréais son hommage, suivant l’impulsion du moment ; et, quelle que fût ma dureté ou mon indifférence, j’augmentais chaque jour le mal que je voulais réprimer.

« Comme le dédain lui sied bien ! disait-elle une fois à sa mère, ne se doutant pas que j’entendais ses paroles ; il est beau comme Apollon, quand il se met à sourire avec son air hautain. »

La vieille dame répondit en riant qu’il fallait être