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Elle était assise au milieu des racines moussues des vieux ifs ; l’un de ses coudes était appuyé sur son genou, et sa tête reposait sur sa main. Elle conserva longtemps cette attitude pensive. À la fin ses yeux rencontrèrent le nom qui était gravé sur la pierre ; une larme glissa lentement sur sa joue pâlie ; son cœur venait de subir l’une de ces contractions douloureuses qu’on éprouve lorsqu’un être chéri vous a été arraché : elle essuya les pleurs qui coulaient maintenant avec abondance ; quelques sanglots lui échappèrent, et, la crise apaisée, elle redevint aussi calme qu’elle était auparavant. Je lui mis doucement la main sur l’épaule, elle se retourna vivement ; la pensée est tellement rapide, que Frances, avant de m’avoir regardé, savait, à l’éclair qui avait traversé son cœur, quel était celui qui se trouvait auprès d’elle ; ses traits n’avaient pas eu le temps d’exprimer la surprise, que la joie rayonnait dans ses yeux : elle m’avait reconnu avant d’être étonnée ; j’avais à peine remarqué sa pâleur qu’un vif éclat animait sa figure. C’était le soleil d’été jaillissant, au milieu d’un orage ; quoi de plus fécond et de plus doux que le rayon qui traverse un ciel noir ?

Je hais cette hardiesse qui vient d’un front d’airain et d’une âme insensible ; mais j’aime le courage d’un grand cœur, et la ferveur qui résulte d’un sang généreux ; j’aimai avec passion le regard plein de lumière que Frances ne craignit pas d’attacher sur le mien, et l’accent dont elle proféra cette parole :

« Mon maître ! mon maître ! »

J’adorai la confiance avec laquelle elle posa sa main dans la mienne ; je l’adorai telle que je la retrouvais à cette heure, sans fortune et sans famille ; sans charmes pour un homme sensuel, et pour moi toute beauté, l’objet de mon ardente sympathie, celle qui partageait mes sentiments, qui était l’écho de ma