Page:Brontë - Le Professeur.djvu/190

Cette page n’a pas encore été corrigée

je me dirigeai vers la porte de Louvain : je fus bientôt hors de la ville, et je montai la côte que l’on trouve à la sortie de la barrière. Je marchais lentement : car, bien que le ciel fût couvert, il faisait une chaleur étouffante. L’habitant de Bruxelles n’a pas besoin de faire une longue route pour trouver la solitude ; elle l’attend à une demi-lieue de la ville, dans les champs immenses, si tristes et pourtant si fertiles, qui entourent la capitale du Brabant, et où l’on n’aperçoit ni arbres ni sentiers. Lorsque je fus arrivé au sommet de la colline, j’éprouvai le désir de quitter la grande route que j’avais suivie jusque-là, et de parcourir cette plaine féconde qui s’étendait jusqu’à l’horizon, où la distance changeait en bleu terne la verdure de ses produits, qu’elle confondait avec les teintes livides d’un ciel orageux. Je pris un chemin de traverse qui se trouvait à ma droite ; j’arrivai bientôt en face d’une muraille blanche qui, à en juger par le feuillage s’élevant de l’autre côté, devait servir de clôture à une pépinière d’ifs et de cyprès dont les sombres massifs entouraient une croix de marbre noir, plantée probablement sur une petite éminence, et qui étendait ses bras au-dessus de la flèche de ces arbres lugubres ; je m’approchai, curieux de savoir à quelle maison pouvait appartenir ce jardin si bien gardé ; je tournai l’angle du mur, pensant découvrir quelque noble résidence, et je me trouvai tout à coup devant une grille de fer, derrière laquelle était une loge de portier. Je n’eus pas besoin de demander qu’on m’ouvrît ; la grille était entre-bâillée ; je poussai l’un des battants, la pluie en avait rouillé les gonds, et ils gémirent en tournant sur eux-mêmes. D’épais bosquets garnissaient l’entrée de cet enclos ; je remontai l’avenue ; elle était bordée d’objets dont le muet langage disait clairement vers quel endroit j’avais conduit mes pas : des croix, des tombeaux, des guirlandes d’immortelles,