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un adoucissement à ses regrets. S’il est malade, il prend patience et conserve l’espoir au milieu de ses douleurs. La mort lui arrache-t-elle violemment l’objet de son affection, la blessure est horrible, ce sont des jours affreux qu’il lui faudra passer ; mais un matin la religion s’introduira dans sa demeure avec les premiers rayons du soleil, et lui dira qu’il doit retrouver plus tard l’être chéri qu’il a perdu ; elle lui parlera d’un monde où le péché est inconnu, où l’on ignore la souffrance ; elle prononcera ces deux mots : Éternité, immortalité, que les hommes ne peuvent pas comprendre, mais auxquels ils s’attachent avec amour ; à la clarté de la céleste lumière, l’esprit du malheureux verra celui qu’il pleure reposant au sein de la paix éternelle ; il pensera au moment où, dépouillé de son corps, il ira rejoindre cette âme adorée au bienheureux séjour ; il reprendra courage, accomplira les devoirs que la vie lui impose, et, bien que la tristesse ne l’ait pas abandonné, l’espérance lui donnera la force d’en supporter le fardeau.

C’est la perte de mon élève bien-aimée qui m’inspirait ces réflexions ; la perte du trésor qu’on m’arrachait sans pitié et qu’on m’empêchait de rejoindre. Toutefois je ne permis point à mon ressentiment et à ma douleur d’atteindre des proportions monstrueuses ; je ne voulus pas même qu’ils s’emparassent de mon âme tout entière : je les renfermai dans un étroit espace au fond de mon cœur, et je leur imposais silence tant que j’avais à m’occuper des devoirs qui remplissaient ma journée. Ce n’était qu’au moment où j’avais fermé la porte de ma chambre que je me relâchais de ma sévérité envers ces tristes nourrissons, et que je leur permettais de donner cours à leurs plaintes ; ils se vengeaient alors, et, s’asseyant à mon chevet, ils me tenaient éveillé par leurs cris douloureux qui duraient jusqu’au jour.