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fatigue du monde ; que vous êtes las d’avoir sans cesse des visages autour de vous, des regards fixés sur les vôtres, des voix qui retentissent à votre oreille. Qu’il m’est arrivé souvent de désirer un mois de liberté que je passerais à la campagne, dans une petite ferme proprette, entourée de champs et de bois ! Quelle vie charmante que la vie champêtre ! ne trouvez vous pas, monsieur ?

— Cela dépend, mademoiselle.

— Quel bon vent, qu’il fait de bien ! » poursuivit Zoraïde. En ceci elle avait raison ; je tenais mon chapeau à la main, et la brise en passant dans mes cheveux rafraîchissait mes tempes ; néanmoins son effet bienfaisant s’arrêtait à l’épiderme, le sang bouillonnait dans mes veines, et, tandis que je regardais au hasard, un feu intérieur dévorait ma poitrine.

« Si j’ai bien compris, dis-je enfin, Mlle Henri a quitté votre maison pour ne plus y revenir.

— Mon Dieu, oui. J’avais l’intention de vous l’apprendre il y a déjà plusieurs jours ; mais je suis tellement occupée, que je n’ai pas le temps de faire la moitié des choses que je voudrais. N’avez-vous jamais trouvé la journée trop courte pour l’accomplissement des devoirs que vous aviez à remplir ?

— Très-rarement. J’imagine que le départ de Mlle Henri n’a pas été volontaire ; sans cela elle m’en aurait certainement averti.

— Est-ce qu’elle y aurait manqué ? c’est étrange. Quant à moi, je n’ai pas songé à le lui dire ; lorsqu’on a tant de choses à faire, on oublie aisément tout ce qui est sans importance.

— Vous considérez, dès lors, le renvoi de Mlle Henri comme très-insignifiant ?

— Son renvoi ! mais je ne l’ai pas congédiée. Je puis dire en toute vérité, monsieur, que, depuis que je suis