Page:Brontë - Le Professeur.djvu/171

Cette page n’a pas encore été corrigée

ficile de découvrir la meilleure manière de cultiver l’esprit de Frances, de satisfaire son âme altérée, de favoriser l’expansion de cette force intérieure que le froid et la sécheresse avaient paralysée jusqu’à présent ; une bienveillance continuelle cachée sous un langage austère et ne se révélant qu’à de rares intervalles par un regard empreint d’intérêt ou par un mot plein de douceur, un profond respect dissimulé sous un air impérieux, une certaine sévérité jointe à des soins assidus et dévoués, furent les moyens dont je me servis avec elle, et ceux qui convenaient le mieux à sa nature aussi fière que sensible.

Bientôt même l’efficacité de ma méthode se manifesta d’une manière visible dans la nouvelle position que Frances avait acquise vis-à-vis de ses élèves : les caractères les plus difficiles comprenaient qu’ils avaient perdu leur pouvoir sur son esprit ; elle savait maintenant s’en faire obéir ; et si par hasard l’un d’eux venait à se révolter encore, elle ne le prenait plus à cœur ainsi qu’elle le faisait autrefois : car elle avait en elle-même une force inébranlable, une source de joie que rien ne pouvait tarir ; elle pleurait jadis quand elle était insultée ; à présent elle souriait.

La lecture publique de l’un de ses devoirs compléta auprès des autres la révélation des facultés précieuses que le travail développait chaque jour en elle. Je me souviens encore du sujet : c’était la lettre d’un émigrant aux amis qu’il avait laissés dans sa patrie. Le début en était simple ; quelques détails sur les nouveaux lieux qu’habitait l’exilé esquissaient la forêt vierge qu’il avait traversée, les bords de l’un des grands fleuves du Nouveau-Monde et le désert d’où la missive paraissait être envoyée ; venaient ensuite quelques allusions aux difficultés et aux dangers qui attendent le settler au milieu de sa vie laborieuse ; puis le courage et la pa-