Page:Brontë - Le Professeur.djvu/169

Cette page n’a pas encore été corrigée


— Oui, répondit-elle lentement ; et la rougeur qui avait à moitié disparu, couvrit de nouveau ses joues.

— Peut-être n’en ai-je pas dit assez ? continuai-je ; mes louanges sont probablement trop froides ? »

Elle ne répondit pas, et je crus voir son visage s’attrister ; je devinai ce qu’elle pensait ; j’aurais aimé à lui répondre si la chose avait été possible : elle n’était pas très-ambitieuse de mon admiration ; elle n’avait point envie de m’éblouir ; un peu d’amitié, si peu que ce fût, l’aurait rendue plus heureuse que tous les panégyriques du monde ; je le sentais et je restai longtemps derrière elle, continuant à écrire sur la marge de son cahier ; je ne pouvais me décider à changer de position ; quelque chose me retenait courbé ainsi, ma tête à côté de sa chevelure, ma main touchant presque la sienne. Mais une marge de cahier a des limites restreintes ; Mlle Reuter, dont c’était du moins l’opinion, vint à passer derrière nous, afin de voir par quel moyen je prolongeais aussi démesurément la période nécessaire pour remplir l’étroit espace dont je pouvais disposer, et je fus obligé de m’éloigner : pénible effort que celui qui nous fait quitter l’objet de notre préférence !

Ce travail sédentaire ne faisait point pâlir Frances et ne paraissait pas la fatiguer ; peut-être le stimulant que son esprit y rencontrait balançait-il l’inaction que l’étude imposait à son corps. Elle changea, il est vrai, d’une manière visible et rapide, mais à son avantage. La première fois que je l’avais vue, ses joues étaient pâles et son regard sans rayon ; elle ressemblait à ceux qui n’ont en ce monde ni joie présente ni bonheur dans l’avenir : aujourd’hui le nuage qui l’enveloppait disparaissait peu à peu, laissant poindre la vie et l’espérance ; et, comme les premières lueurs du jour, ces sentiments ranimaient ce qui s’était affaissé et répandaient un doux éclat sur ce qui avait été sans couleur. Ses yeux, dont je