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— C’est si difficile, monsieur, de se servir d’une langue dont on n’a plus l’habitude !

— Vous l’avez eue autrefois, cette habitude ?

— Oui, monsieur ; je parlais plus souvent l’anglais que le français, lorsque j’étais enfant.

— Pourquoi l’avez-vous négligé ?

— Parce que je ne connais pas d’Anglais.

— Vous vivez sans doute avec votre père ?

— Mon père est mort.

— Vous avez des frères, des sœurs ?

— Non, monsieur.

— Demeurez-vous donc toute seule ?

— Non, monsieur, j’habite avec ma tante Julienne.

— La sœur de votre père ?

— Oui, monsieur.

— Est-ce en anglais que vous me répondez ?

— Pardon, je…

— En vérité, mademoiselle, si vous étiez une enfant, je vous aurais déjà punie ; comment se fait-il qu’à votre âge… vous devez avoir au moins vingt-deux ou vingt-trois ans ?

— Pas encore, monsieur, j’en aurai dix-neuf le mois prochain.

— C’est un âge raisonnable ; je ne devrais pas être dans la nécessité de vous répéter deux ou trois fois la même chose, quand il s’agit pour vous d’une occasion d’apprendre. »

Elle ne me répondit pas ; je levai les yeux ; un sourire expressif mais sans gaieté entr’ouvrait les lèvres de Frances : « Il parle de ce qu’il ne connaît pas ; » disait clairement ce sourire ; je voulus dissiper mon ignorance et je poursuivis mon interrogatoire.

« Désirez-vous faire des progrès rapides ?

— Certainement.

— Que faites-vous pour le prouver ? »