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moins réguliers et d’un dessin plus net ; le front était plus large chez elle, et la partie inférieure de la tête infiniment moins développée. Je vis au premier coup d’œil qu’elle n’était pas Flamande ; tout dans son visage et dans sa tenue portait évidemment le cachet d’une autre race moins riche de sang et de chair, mais plus grave et plus intelligente.

Elle avait les yeux baissés, le menton appuyé sur la main, et conserva cette attitude jusqu’au moment où je commençai la leçon ; pas une jeune fille belge ne fût restée dans la même position pendant aussi longtemps, surtout dans une position méditative ; mais c’est à peu près tout ce que je puis dire de sa personne ; elle n’était point jolie, cependant on ne pouvait pas la trouver laide ; et, si le chagrin avait déjà flétri son front et sa bouche, l’empreinte qu’il y avait laissée était si légère qu’un observateur moins minutieux ne l’aurait sans doute pas remarquée.

Malgré toutes ces phrases dépensées pour vous peindre Mlle Henri, vous n’avez de sa personne qu’une idée bien confuse ; je ne vous ai parlé ni de son teint ni de ses yeux ; vous ne pourriez pas dire si elle est brune ou blonde, si elle a le nez aquilin ou retroussé, la figure ovale ou carrée. Je n’en savais pas davantage la première fois que je la vis, et mon intention n’est point de vous apprendre tout à coup ce que j’ai découvert peu à peu.

La dictée embarrassa visiblement ma nouvelle élève ; une ou deux fois elle me regarda d’un air inquiet, et je m’aperçus qu’elle n’écrivait pas avec autant de rapidité que les autres. Je continuai sans pitié ; son regard disait clairement qu’elle ne pouvait pas me suivre ; mais, bien loin d’écouter sa prière, je m’appuyai au dos de ma chaise, et je n’en dictai qu’un peu plus vite en regardant au dehors avec un air de nonchalance.