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deur, avaient renoncé à leurs ricanements, à leurs murmures, et ne m’adressaient plus que de temps en temps des regards qui n’en exprimaient pas moins des choses assez audacieuses. Ah ! si l’affection, la bonté, la modestie, l’intelligence, avaient eu ces yeux splendides pour interprètes, il m’aurait été bien difficile de ne pas leur donner d’encouragement, peut-être même une ardente réplique en certains jours ; mais dans la circonstance, je trouvais du plaisir à répondre par un coup d’œil stoïque aux regards d’une vanité frivole. Si éclatantes de fraîcheur et de beauté que fussent la plupart de mes élèves, je puis dire en toute sincérité qu’elles n’aperçurent jamais en moi que le professeur austère dont elles étaient forcées de reconnaître la justice impartiale ; et si quelques personnes doutaient de l’exactitude de mes paroles et se sentaient peu disposées à me prendre pour un nouveau Scipion, qu’elles veuillent bien écouter les considérations suivantes, qui, tout en diminuant mon mérite, justifieront la vérité de mon assertion.

Sachez donc, ô lecteurs incrédules, qu’un maître de grammaire ne se trouve pas, vis-à-vis d’une jeune tête ignorante et légère, dans la position d’un galant qui la rencontre au bal ou qui la voit à la promenade ; ce n’est pas vêtue de satin et de mousseline, les cheveux couronnés de roses, les épaules à peine voilées d’une dentelle aérienne, les bras nus dont un cercle d’or fait valoir la blancheur, que son élève se présente à ses yeux ; ce n’est pas à lui qu’il appartient de l’entraîner au milieu des tourbillons de la valse et de l’enivrer de compliments qui rehaussent sa beauté en la faisant rougir ; ce n’est pas davantage à l’ombre des arbres du boulevard qu’il l’aperçoit, ni dans les allées du parc inondé de lumière où elle apparaît dans sa plus jolie toilette de ville, son écharpe jetée négligemment sur les épaules, son petit chapeau couvrant à peine ses che-