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jour suivant, aborder l’institutrice sans permettre à mes nerfs de tressaillir, à mes lèvres de trembler. Je passai devant Zoraïde avec aisance ; elle me tendit la main, je ne voulus pas m’en apercevoir. Elle m’avait salué avec une grâce charmante ; son sourire était tombé sur moi comme un rayon sur la pierre. Elle me suivit dans la classe et, les yeux rivés sur ma figure, elle demandait à chaque pli de mon visage de lui dire la cause d’un changement qu’elle ne s’expliquait pas. « Je vais lui répondre, » me dis-je ; et, arrêtant mes yeux sur les siens, elle put voir dans mon regard que le mépris avait remplacé le respect et la tendresse. Elle ne changea pas de physionomie ; ses joues devinrent seulement un peu plus roses ; elle s’approcha de l’estrade où je venais de m’asseoir, elle en monta les degrés comme attirée par une force irrésistible, et vint se placer à côté de moi, sans trouver rien à dire ; je feuilletais négligemment un livre, ne voulant pas la délivrer de l’embarras qu’elle éprouvait.

« J’espère que votre rhume est tout à fait guéri, me dit-elle enfin à voix basse.

— Et moi, mademoiselle, j’espère, lui répondis-je, que la promenade que vous avez faite cette nuit dans le jardin ne vous a pas enrhumée. »

Douée d’une compréhension rapide, elle sut immédiatement à quoi s’en tenir. Une légère pâleur couvrit sa figure ; mais pas un de ses muscles ne bougea ; elle descendit de l’estrade avec calme, alla reprendre sa place, peu éloignée de la mienne, et s’occupa de terminer une petite bourse en filet. C’était un jour de composition, c’est-à-dire que j’avais à dicter aux élèves une série de questions qu’elles devaient résoudre de mémoire.

Tandis que ces demoiselles réfléchissaient aux difficultés que je leur avais posées, je pouvais à loisir ob-