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tout. Je suppose que vous avez pris la voiture du matin ? »

Je lui exprimai tous mes regrets du retard que je lui avais fait éprouver ; il ne me répondit pas, et attisa le feu comme pour masquer un mouvement d’impatience ; puis il fixa de nouveau sur moi son regard observateur.

J’éprouvais une satisfaction réelle de n’avoir pas cédé à mon premier mouvement et d’avoir salué cet homme avec toute la froideur dont j’étais susceptible.

« Avez-vous brisé complètement avec Tynedale et Seacombe ? me demanda-t-il du ton bref qui paraissait lui être habituel.

— Je ne crois pas que désormais je puisse avoir de rapports avec eux, répondis-je ; le refus que j’ai fait de leurs offres bienveillantes a placé entre nous une barrière infranchissable.

— Fort bien, dit-il ; je vous rappellerai d’ailleurs qu’on ne peut pas servir deux maîtres, et que toute relation avec lord Tynedale serait incompatible avec la moindre assistance de ma part. »

Il y avait une menace toute gratuite dans le coup d’œil qu’il me lança en terminant cette phrase.

Je ne me sentais pas disposé à lui répondre, et je me contentai de réfléchir à la diversité de caractères et de constitutions morales qui existe entre les hommes. Je ne sais pas ce que mon frère induisit de mon silence ; j’ignore s’il le considéra comme un symptôme de révolte ou comme une preuve de soumission : toujours est-il qu’après m’avoir regardé pendant quelques minutes, il quitta brusquement son fauteuil en me disant :

« Demain matin j’appellerai votre attention sur différentes choses ; quant à présent, c’est l’heure du souper ; voulez-vous venir ? il est probable que mistress Crimsworth nous attend. »