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prononcé, mais tout aussi peu agréable, et je les épargne au lecteur.

Vous croyez sans doute que je vais maintenant, pour contraster avec cette triste peinture, vous montrer quelque tête virginale entourée d’une auréole, quelque touchante personnification de l’innocence pressant la colombe de paix sur sa poitrine.

Vous vous trompez ; je n’ai rien vu de pareil, et je ne peux pas le retracer. De toutes les élèves de Mlle Reuter, celle qui possédait les plus heureuses dispositions était une jeune personne de la campagne, nommée Louise Path ; elle était douce et bonne, mais ignorante, commune dans ses manières et n’ayant pas su échapper à une dissimulation contagieuse ; pour toutes ces jeunes filles la franchise et la bonne foi n’existaient pas, les mots d’honneur et de loyauté n’avaient pour elles aucun sens. La moins répréhensible de tout le pensionnat était la pauvre Sylvie dont j’ai déjà parlé ; intelligente et distinguée dans ses habitudes, elle avait autant de sincérité que sa religion lui permettait d’en avoir ; mais d’une santé déplorable, qui avait entravé sa croissance et jeté sur son esprit comme un voile de tristesse, on la destinait au couvent, et son âme s’était courbée tout entière sous la direction qu’on lui avait fait prendre ; déjà préparée à la vie qui l’attendait, elle avait abdiqué toute indépendance, et avait remis sa pensée entre les mains d’un confesseur despotique. Aveuglément soumise à la volonté d’un autre, elle ne se permettait ni de juger, ni de choisir, et accomplissait avec la passivité d’un automate les moindres choses qui lui étaient commandées. C’était l’élève modèle du pensionnat Reuter ; pâle créature, chez laquelle un peu de vie sommeillait encore, mais dont la magie du prêtre avait soutiré l’âme.

Il y avait dans la maison quelques Anglaises ; on