Page:Brontë - Le Professeur.djvu/116

Cette page n’a pas encore été corrigée

figure décharnée, le regard famélique ; son front étroit ne présentait que l’espace nécessaire pour écrire ces deux mots : haine et révolte ; mais la couardise se lisait quelque part sur son visage, probablement dans son œil inquiet et farouche.

Derrière elle étaient deux rangées de Flamandes vulgaires, parmi lesquelles se faisaient remarquer deux ou trois exemples de cette difformité physique et morale que l’on rencontre si fréquemment en Belgique et en Hollande, et qui semble prouver que le climat y est assez insalubre pour amener la dégénérescence de l’esprit et du corps. Ces créatures inférieures se trouvaient sous la domination de Juanna Trista ; elle usa de son influence sur elles pour organiser pendant ma leçon un tumulte d’une grossièreté brutale, que je me vis contraint d’étouffer en lui ordonnant de quitter sa place et de me suivre hors de la classe avec deux de ses complices, que j’enfermai dans la grande salle ; quant à elle, je l’emprisonnai dans un cabinet dont je retirai la clef.

Mlle Reuter, présente à cette exécution, me regardait avec effroi ; jamais pareille sévérité n’avait été déployée dans son établissement. J’opposai d’abord un visage impassible à son visage effrayé, puis un sourire qui la flatta peut-être, et qui du moins l’eut bientôt rassurée.

Juanna Trista n’est partie d’Europe qu’après y être restée assez longtemps pour payer par l’ingratitude et la méchanceté la plus noire tous ceux qui lui avaient rendu service ou témoigné de la bienveillance. Elle est allée rejoindre son père aux Antilles, se réjouissant à la pensée d’avoir là-bas des esclaves qu’elle pourrait, disait-elle, battre et fouler aux pieds suivant son bon plaisir.

Ces trois portraits sont peints d’après nature ; j’en possède bien d’autres dont le caractère n’est pas moins