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CHAPITRE XII.


Chaque leçon que je donnais chez Mlle Reuter me fournissait une nouvelle occasion de comparer l’idéal avec la réalité. Que savais-je de la nature féminine avant mon arrivée à Bruxelles ? moins que rien ; j’avais à cet égard une idée vague, un pressentiment confus à travers lequel mon imagination voyait briller une forme vaporeuse, quelque chose d’insaisissable comme un nuage que la vue seule peut atteindre. Maintenant que je me trouvais en contact avec cette substance éthérée, je la voyais très-palpable, souvent pesante, parfois très-dure, ayant en elle un mélange de plomb et de fer.

Idéalistes qui rêvez de fleurs humaines, d’anges féminins répandus ici-bas, jetez les yeux sur cette esquisse dessinée d’après nature ; je l’ai prise dans une salle d’étude où une centaine d’échantillons de l’espèce jeune fille offraient à l’observateur un assortiment varié composé de Françaises, d’Autrichiennes, de Belges, d’Anglaises et de Prussiennes. Le plus grand nombre appartenait à la classe bourgeoise ; mais on trouvait parmi elles des comtesses, les filles de trois généraux, de plusieurs colonels, de divers employés du gouvernement, futures grandes dames, assises côte à côte avec de jeunes personnes destinées à être un jour demoiselles de magasin. Toutes étaient vêtues du même uniforme et avaient à peu près les mêmes manières, La majorité donnait le ton à l’établissement, et se faisait remarquer par sa turbulence, par une certaine