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rien ; vous pouvez avoir en moi la confiance la plus entière. »

Je me sentais heureusement la force de diriger ces demoiselles sans qu’on vînt à mon aide ; l’éblouissement que j’avais éprouvé tout d’abord était presque entièrement dissipé ; le contraste que présentait la réalité avec la peinture que je m’étais faite d’un pensionnat de jeunes filles, m’amusait beaucoup plus qu’il ne me désappointait ; j’étais donc peu disposé à me plaindre de mes élèves.

Merci mille fois, mademoiselle, répondis-je ; tout s’est fort bien passé.

— Et les trois jeunes personnes du premier rang ? demanda-t elle en me regardant d’un air de doute.

— Elles ont été fort convenables. »

Mlle Reuter cessa de me questionner ; mais je vis dans son regard astucieux et pénétrant, où la sagacité remplaçait l’éclat et la chaleur, qu’elle m’avait parfaitement compris : « Soyez aussi discret que vous voudrez, disait ce regard froid et positif, je ne suis pas dupe de vos paroles ; je sais parfaitement ce que vous me dissimulez. »

Et, par une transition aussi douce qu’imperceptible, l’institutrice eut bientôt changé de ton et de manière. Son visage perdit sa froideur : elle sourit, me demanda, en bonne voisine, des nouvelles de M. et de Mme Pelet, et se mit à causer de la pluie et du beau temps. Je répondis à ses questions ; elle continua de babiller, je la suivis dans tous ses détours ; bref elle aborda tant de sujets divers et parla si longtemps, qu’il était facile de voir qu’elle avait un but en me retenant ainsi. Rien, dans ses paroles, ne trahissait une intention quelconque ; mais, tandis que ses lèvres proféraient des lieux communs pleins d’affabilité, ses yeux ne quittaient pas mon visage : non pas qu’elle me regardât en face, mais du coin de l’œil et comme à la dérobée ; elle cherchait à s’assu-