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qualités d’analyste sont gâtées par l’insupportable minutie de ses digressions. Eugène Chavette et Jules Moinaux restent à fleur d’épiderme ; ils s’amusent en nous amusant ; ce sont d’aimables caricaturistes ; leur plume est proche voisine du crayon de Cham, qui n’était pas un grand philosophe, mais un gamin de génie. Ils portent l’un et l’autre à son plus haut point de perfection ce que l’on peut appeler la « chronique vaudevillesque », sorte de causerie située à mi-chemin du roman et du théâtre, et qui n’est pas, quand ils veulent bien s’y appliquer, d’un médiocre agrément. Ceci nous conduit à la guerre de 1870. Ce n’est pas l’instant de rire. Les vieux auteurs gais continuent de produire ; mais on les suit mollement. Il ne s’en révèle guère de nouveaux. Quelques efforts isolés se manifestent. Il y a M. Armand Silvestre ; mais le poète se fait sentir, en lui, sous l’humoriste ; et son style constamment lyrique ne s’adapte pas avec franchise aux sujets rabelaisiens… Enfin aux environs de 1890, ce fut une éclosion soudaine. Un certain nombre de jeunes hommes s’affirmèrent simultanément dans la note fantaisiste. Ils s’appelaient Alphonse Allais, Tristan Bernard, Alfred Capus, Grosclaude, Xanrof, Willy, Jules Renard, Pierre Weber et enfin Georges Courteline. Les uns venaient du Chat-Noir et des cabarets du quartier Latin ; d’autres du café-concert ; d’autres s’étaient affirmés, du premier coup, dans la presse quotidienne. Et assurément ces écrivains