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le mystère du b 14

Qu’est-ce que cela voulait dire… Quel était ce nouveau mystère… Pourquoi cet homme, qui avait tout fait pour se cacher, dévoilait-il à cette heure son affaire au grand jour ?…

Et Rosic se pressait la tête, et il sentit qu’il devenait fou…


xii

« cristal-dagger »



Rosic demeura assez longtemps comme prostré sur le rebord de la fontaine du Châtelet.

Les passants avaient un regard étonné vers cet homme bien mis, à l’air sérieux, et qui donnait ainsi publiquement les signes extérieurs d’une telle détresse.

Mais tout à coup, il se redressa.

Dans le chaos de son esprit, une idée venait de germer, et, à voix haute, il s’écria :

— Il n’y a que ce Cazeneuve qui peut me fournir des renseignements sur ce Burnt… Où diable habite-t-il déjà, ce banquier ?

Il se précipita vers l’un des cafés installés au rez-de-chaussée du théâtre du Châtelet et tomba sur une banquette en répondant au garçon, qui lui demandait ce qu’il lui fallait servir :

— Le Bottin !

Le garçon lui ayant apporté cet énorme volume, il se mit à le feuilleter fébrilement, n’eut pas de peine à y apprendre que le banquier Cazeneuve était installé rue Saint-Marc, et, ayant jeté une pièce de monnaie sur la table, il quitta le café et sauta dans un taxi :

— 1, rue Saint-Marc…

Sa tête brûlait ; les idées bouillaient dans sa cervelle… Jamais de sa vie, Rosic ne s’était trouvé dans un tel état d’agitation… C’est aussi que, jamais de sa vie, Rosic n’avait eu à résoudre un aussi insoluble problème ; jamais, il n’avait eu à débrouiller une question où les faits se présentaient si contradictoires, déroutant toute sagacité…

Ce drame du B.-14 lui apparaissait comme un film composé par un dément et tourné par un opérateur fou.

— Et pourtant, se disait Rosic, tous ces faits invraisemblables sont reliés par un fil raisonnable, et tendent à un but déterminé… Mais quel est ce fil ?… Quel est ce but ?… Surtout, quel est ce Burnt ?…

Mais il allait le savoir.

Voici que l’auto stoppa devant le numéro 1 de la rue Saint-Marc.

C’est au coin de la rue Feydeau et de la rue Saint-Marc, un somptueux immeuble dans le pur style Empire et qui fut construit par le grand-père même du banquier actuel, lequel fit une grosse fortune en qualité de fournisseur des armées napoléoniennes,

En entrant, on se trouve dans une sorte de hall où s’ouvrent deux immenses galeries abritant des guichets pour le public : entre les deux galeries, un fastueux escalier conduit au premier étage où se trouvent les bureaux.

Mais dès l’entrée, comme Rosic s’adressait à un gardien et lui manifestait son intention de voir M. Cazeneuve, l’homme eut un hochement de tête, et dit :

— Avez-vous une lettre d’audience ?

— Non… Mais c’est pour une affaire de la plus haute importance…

Le gardien eut un petit rire dédaigneux :

— Non… Mais est-ce que vous vous figurez que l’on voit M. Cazeneuve comme cela… et qu’il est à la disposition du premier venu…

— Mais je ne suis pas le premier venu… fit Rosic.

Et il exhiba au gardien sa carte de la Sûreté lyonnaise.

La police, à tort ou à raison, impressionne toujours le monde. Le gardien hocha la tête, une seconde fois mais tout son mépris avait disparu de sa physionomie.

— Je vais voir, dit-il.

Et, revenant vers son bureau, il téléphona à l’étage au-dessus.

La réponse ne se fit pas attendre.

— Ma foi, vous pouvez monter… Adressez-vous à l’huissier que vous allez trouver au premier étage.

Rosic grimpa l’escalier.

En haut, un huissier l’attendait qui, muet, s’inclinait devant lui, lui ouvrit une porte et Rosic se trouva dans un grand bureau, très luxueusement meublé, où se tenait un vieillard à favoris blancs, vêtu d’une redingote noire à la boutonnière de laquelle brillait une rosette de la Légion d’honneur.

— Monsieur Rosic ? fit le vieillard.

— Oui, Monsieur… je viens…

Mais le vieillard l’interrompit :