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DE LADY AUDLEY

yeux fixés sur Robert. Sa figure blanche était visible dans l’obscurité, et ses yeux flamboyaient.

« Vous ne vivrez pas assez longtemps pour cela, dit-elle. Je vous tuerai auparavant. Pourquoi m’avez-vous tourmentée de la sorte ? Pourquoi ne m’avez-vous pas laissée seule. Quel mal vous ai-je fait, à vous, pour que vous me persécutiez et que tous mes mouvements, mes regards soient surveillés par vous ? Voulez-vous me rendre folle ? Savez-vous ce que c’est que de lutter avec une folle ? Non, s’écria milady avec un éclat de rire, vous ne le savez pas, sans cela vous ne voudriez pas… »

Elle s’arrêta brusquement et se releva de toute sa hauteur. Ce mouvement fut exactement le même que celui que Robert avait vu faire au vieux lieutenant, à demi ivre ; il avait la même dignité, — la même sublimité de souffrance.

« Allez-vous-en… monsieur Audley, dit-elle, allez-vous-en… vous êtes fou… vous êtes fou…

— Je m’en vais, milady. Par pitié pour votre douleur, je vous eusse pardonné vos crimes. Vous avez refusé mon pardon. Je voulais avoir compassion des vivants. Dorénavant je ne me souviendrai plus que de mon devoir envers les morts. »

Il s’éloigna du puits solitaire et se dirigea vers l’allée des tilleuls. Milady le suivit lentement le long de la sombre avenue et sur le pont rustique. Au moment où il traversait la petite porte en fer, Alicia sortit de la salle à manger par une porte qui ouvrait de plain-pied à l’un des angles de la maison, et rencontra son cousin.

« Je vous ai cherché partout, Robert, lui dit-elle ; papa est descendu à la bibliothèque et vous verra avec plaisir. »

Le jeune homme tressaillit au son de la voix fraîche et jeune de sa cousine.