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LE SECRET

eu connaissance de cette annonce ? Se serait-il montré indifférent pour les inquiétudes de son ami, ou bien n’aurait-il pas lu les journaux ? Comme il voyageait sous un faux nom, les passagers et le capitaine du navire n’avaient pu constater son identité avec la personne dont il était question dans l’annonce. Quel parti prendre ? Fallait-il attendre que George, fatigué de son exil, revînt vers ceux qui l’aimaient, ou bien faudrait-il adopter quelque mesure pour hâter son retour ? Robert était en défaut ! Peut-être qu’au milieu de l’indicible soulagement d’esprit qu’il avait éprouvé en apprenant que son ami n’était pas mort, il n’avait pas la force de songer à autre chose qu’à cette conservation providentielle.

Dans cette situation d’esprit, il partit pour faire une visite à M. Talboys, qui avait lâché la bride à ses bons sentiments, au point d’inviter l’ami de son fils à venir passer quelques jours dans sa maison carrée et en briques rouges.

M. Talboys ne vit que deux choses dans l’histoire de George : le bonheur qu’il éprouvait à savoir son fils sain et sauf et le regret de n’avoir pas été lui-même le mari de milady pour se procurer le plaisir de faire un exemple de sa signalée femme.

« Ce n’est pas à moi qu’il appartient de vous blâmer, monsieur Audley, lui dit-il, pour avoir soustrait cette coupable à la justice et contrevenu ainsi aux lois de votre pays. Je veux vous observer seulement que si cette femme m’était tombée entre les mains, elle aurait été traitée différemment. »

C’était au milieu d’avril que Robert se retrouvait de nouveau sous ces pins où ses pensées s’étaient égarées si souvent depuis sa première rencontre avec Clara Talboys. Il y avait maintenant, dans les haies, des primevères et des violettes ; et les ruisseaux qui, lors de sa première visite, étaient durs et glacés