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LE SECRET

avaient peut-être été bleus jadis et avaient perdu avec le temps leur couleur première. Malgré toute la puissance de la médecine, le docteur Mosgrave n’avait pu engraisser ou se donner des couleurs. Sa figure n’avait aucune expression, et pourtant elle avait quelque chose de merveilleusement attractif. C’était la physionomie d’un homme qui avait passé la plus grande partie de sa vie à écouter les autres, et avait annihilé son individualité et ses passions dès le début de sa carrière.

Il s’inclina devant Robert Audley, prit une chaise en face de lui et écouta le jeune avocat le cou tendu. Robert s’aperçut que le regard du médecin devenait pénétrant et fixe.

« Il croit que c’est moi qui suis le malade, se dit Robert, et il inspecte ma physionomie pour y découvrir les symptômes de la folie. »

Les paroles du docteur Mosgrave vinrent confirmer cette supposition.

« Ce n’est pas pour vous que vous désirez me consulter ? dit-il d’un ton d’interrogation.

— Oh ! non. »

Le docteur Mosgrave regarda sa montre, un chronomètre de Benson de cinquante guinées, qu’il portait dans sa poche comme ci c’eût été une pomme de terre.

« Il est inutile de vous rappeler que mon temps est précieux. Votre dépêche m’a annoncé que mes services étaient requis pour un cas… dangereux… sinon je ne serais pas venu ce matin. »

Robert Audley regardait tristement le feu et se demandait comment il aborderait la question.

« Je vous remercie, docteur Mosgrave, d’avoir répondu à mon appel. J’ai à vous demander votre avis sur un cas difficile, et qui me chagrine plus que je ne saurais le dire. Je m’en rapporterai entièrement à