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LA TRACE

que le procédé magique était celui-ci : un individu, se basant sur une nuance dans leurs manières, chuchotait l’hypothèse de ce qui pouvait leur avoir été révélé dans l’intérieur ; cette hypothèse, dite à voix basse, était répétée de l’un à l’autre jusqu’à ce qu’elle prît la consistance d’un fait, qui se répandait ensuite dans la foule, prenant un nouveau crédit dans la bouche de chaque narrateur, et finissant par constituer une série de faits imaginaires.

La foule était complètement convaincue d’une chose, c’est que ces hommes graves en uniforme, les agents de Slopperton, savaient tout et eussent pu tout dire s’ils eussent voulu seulement parler ; et cependant je doute qu’il y eût sous le ciel plus d’une personne qui connût véritablement le secret de cet épouvantable crime.

C’est le second jour de l’enquête du coroner au Moulin Noir. Les fonctionnaires aux figures solennelles sont rangés autour du lit de l’homme assassiné ; ils recueillent les dépositions, échangent quelques remarques, à voix basse, avec le docteur qui a constaté les profondes blessures du cadavre.

Tout ce qui fut connu, même de ces graves officiers, le voici :

La servante, Martha, se levant à six heures le matin précédent, était venue, selon son habitude, frapper à la porte du vieil Indien, celui-ci étant toujours matinal et ayant coutume, même en